Bioule – Le clocheton (Le campanile)

Le clocheton (Le campanile) à BiouleLe clocheton (Le campanile)


Au dessus de l’entrée principale du château, solidement arrimé dans son armature de fer au sommet de la tourelle, le clocheton domine les toits avoisinants des maisons du village.

Depuis des siècles, il trône, et, imperturbable, il égrène par tous les temps, de ses notes cristallines, les heures qui rythment notre quotidien.


Il fait tellement partie de notre environnement qu’on oublie sa présence familière même lorsque, régulièrement, il se manifeste. C’est un ami fidèle, on peut compter sur lui :le jour, la nuit, l’été, l’hiver, bref : par tous les temps, il marque pour nous le temps qui passe.

On dirait qu’il a apprivoisé le temps : il y a tellement de temps qu’il est là, perché tout là-haut avec son coq qui le rend plus arrogant encore.


Ah ! S’il pouvait parler ! Que n’aurait il d’histoires à nous raconter ? Des histoires de temps, bien sûr, de temps passé, il y a bien longtemps, du bon temps, et de l’autre aussi. Des histoires plus récentes, par exemple, le temps où il nous pressait de rentrer en classe alors que nous étions quelque peu récalcitrants ! …

Malgré son grand âge, il est toujours à la mode, il ne vieillit pas : même les horloges atomiques qui nous donnent le temps au centième de millionième de seconde près ne l’impressionnent pas … Vieillir ! Que dites vous ? Il n’en a pas le droit, il est le symbole du passé et doit le rester. Il a été conçu pour égrener le temps, et le temps n’a pas d’effets sur lui : pas une ride, pas un chevrotement dans sa voix, de quoi faire pâlir d’envie ceux qui ne voudraient pas vieillir !

Combien de générations a-t-il bercé ? Nul ne le sait, même pas lui. Il continue imperturbable son travail « marquer le temps ». Il réussit presque l’impossible : matérialiser un concept qui ne peut l’être : la fuite du temps … et si les chercheurs de tous les temps s’étaient trompés dans leur façon de calculer le temps ?

Parfois ce clocheton, la nuit, semble un peu prétentieux, irrévérencieux même, trop sur de lui, tellement le timbre de ses notes est clair, net, indiscutable, sans bavures quoi, impératif même « C’est ainsi et pas autrement » a-t-il l’air de dire. Il détient la vérité sur le temps. C’est un arrogant, vous dis-je. Il défie sa voisine, la rivière qui coule à ses pieds. Il semble lui dire, de son air moqueur : « Il y a bien longtemps que le temps ne s’écoule plus ; ce, depuis que les « chronologues » ont décidé que l’on ne pouvait plus te faire confiance. Souviens toi, les Anciens avaient imaginé une machine : le clepsydre mais la mesure était trop capricieuse parce que non fiable, ils m’ont inventé, investi pour dire le temps, et je suis là !»


Ainsi au fil du temps, on a remplacé le fil de l’eau.


Je suis là, immuable, rassurant. Je presse les retardataires et tranquillise les autres en leur disant : « Prenez votre temps ! » comme si le temps pouvais s’attraper ! …

Allez, petit clocheton, continue à tinter, tu le fais si bien, et si quelques esprits chagrins te trouvent trop envahissant pour leurs fragiles oreilles citadines, qu’ils aillent tout simplement «  écouter ailleurs ! »

Le guetteur du chemin de ronde.

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